Le 8 novembre, 1991 — Évasion : Chroniques de voyage à bord du voilier Arabesque
West River, MD. -Point Lookout, MD., le vendredi 8 novembre 1991
38º 50′ 26 – 76º 32′ 28 34e jour
6: h 05 Quittons la marina au son des cornemuses et de la voix de Nana Mouskouri dans Amazing Grace. Malheureusement, nous oublions parfois de faire jouer cette cassette. Pegassus, nous appelle vers 7 h. Parti à 5 h, il est à 4 – 5 milles en avant de nous, foc et moteur. Dès que nous retournons à la baie de Chesapeake, nous hissons le foc à notre tour. Des vents du N.-E. de 15-20 m/h soulèvent des lames de 1 m, mais nous avançons (voile et moteur), à la vitesse de 7-8,5 noeuds/h. Formidable! Paul, aux commandes a heureusement endossé son harnais de sécurité. Et même si tout a été sécurisé avant le départ, tout glisse au plancher du carré, mais je remets de l’ordre promptement et malgré un roulis constant, je réussis tout de même à écrire. Ce matin, je doute que je puisse prendre la barre – les vagues sont très fortes et je n’ai sans doute pas la force musculaire nécessaire pour maintenir le cap. Je vais donc me contenter de prêter main-forte au Capitaine qui me crie qu’il vient d’atteindre 9,5 noeuds/h., pendant quelques instants. Le Loran C fonctionne bien et nous encourage, car on peut constater que nous gagnons lentement sur la latitude. Sommes présentement à 38 º47′ 09sec. Et notre destination de ce jour, la rivière Potomac (Look Out Point), distante de 54 m. au départ, se situe autour de 38º 29′ 00.
1 h Sommes encore loin de la Potomac et la houle atteint maintenant 8 pi.- 10 pi. Les rafales du N.-E. sont si fortes que Paul ne peut quitter le cockpit, ni même prendre un café car ça prend toute son énergie pour tenir la barre.
15 h h45 Paul me réclame sur le pont : le foc qui se balance de bâbord à tribord se démène tellement qu’on est en danger de perdre l’étai sur lequel repose l’enrouleur de foc. Aidé de son harnais de sécurité, le Capitaine se dirige vers l’avant et réussit tant bien que mal à resserrer le ridoir, pendant que je trime durement, à deux mains, pour essayer de retenir la barre. Et même, qu’elle m’échappe des mains, pendant quelques instants, mais je la reprends finalement. Les vagues vertes mouchetées de blanc déferlent maintenant sous la coque en crêtes de 12′ pi. . Je hurle à Paul, de prendre garde, mais il ne m’entend pas (et pour cause). . Il revient vers moi et reprend sa place pendant que je retourne en bas. Dix minutes plus tard, Paul décide d’amener le foc. Je retourne dans l’habitacle et il doit retourner à l’avant, car l’enrouleur est coincé. Le vent a enroulé le hauban et Paul va tenter d’enrouler le foc à la main. Il me crie de larguer l’écoute de tribord à son signal. Le choc est trop fort, le foc se dévide à nouveau, les deux écoutes battent l’air comme des déchaînées. Paul revient au poste de pilotage, tandis que la voile libérée, continue à claquer au vent. La nuit tombe et nous sommes encore à 10 milles du port. J’appelle Pegassus, par VHF, afin d’avoir des précisions sur les bouées à suivre. Cependant, Phil n’est plus qu’à ½ mille en avant de nous, et a eu des difficultés, lui aussi. Son dinghy s’est détaché de l’arrière à deux reprises. Il a réussi à le reprendre, mais ensuite il a perdu ses cartes marines et a failli tomber à l’eau. Il fait froid, environ 42 ºF, et Phil a noté une petite déchirure à son génois. J’essaie de faire le point avec Paul et en montant sur le pont, je m’aperçois que notre foc a subi trois déchirures dont une assez grave et de plus la bordure de cette voile est arrachée. Paul retourne à l’avant, libère les écoutes qui la retenaient un peu et les attache à un taquet à l’avant. Puis « Sea Tow », (service de remorquage en cas de nécessité), dont le capitaine Bob Knight est le représentant local, nous appelle par VHF. Il a guidé Pegassus, vers l’entrée. C’est maintenant à notre tour de nous prévaloir de ses indications précieuses. La nuit est tout à fait descendue sur Look Out Point et la marina du même nom est à 6 milles de la pointe, avec un parcours très sinueux, de nuit, en tout cas. Lorsque nous approchons et avons enfin le quai en vue il nous interpelle « Hurry up & get here! There are 4 men waiting for you on the dock and it’s freezing here. Also, could you stop that flapping noise »?? Il a un sens de l’humour extraordinaire, bien apprécié des marins épuisés que nous sommes.
20 h 45 On met finalement pied sur le plancher des vaches. Phil faisant partie du comité de bienvenue, prend évidemment nos amarres. Il jubile en nous voyant enfin sains et saufs. Le froid et la pluie intense nous importent peu maintenant, puisque le restaurant de la marina sert de bons repas chauds le midi et le soir, et est demeuré ouvert à notre intention. Après avoir chaleureusement remercié Sea Tow, c.-à-d. le capitaine Bob Knight et un autre employé de la marina, Ray Surette de la vedette Little Caesar, entrons dans la salle à dîner. Tous trois, sommes affamés. Nous attablons devant des apéros, suivis d’une chaudrée fumante de fruits de mer, puis, d’huîtres frites.
DÉLICIEUX ! Bon vin blanc sec, café – bon service et le tout à prix très raisonnable! Faisons également la connaissance de Lee et George Popovl (elle, Américaine, lui Canadien), demeurant à London, Ontario. Ils sont à bord de Desamar, amarrée au bout du quai où nous sommes. On se présente et projetons de faire route ensemble, demain… Douches chaudes avant d’aller au lit. Une bonne nuit de sommeil au chaud, notre petite chaufferette électrique aidant, et Mams’elle à nos pieds, nous remet bientôt de nos émotions.
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