Le 12 octobre 1991 — Évasion : Chroniques de voyage à bord du voilier Arabesque

Sacketts Harbor, NY – Oswego, NY  43º 51′ 59″ – 76º 01′ 06″

8 h 05 Départ de Sacketts Harbor. Grâce à notre « Loran C » (enfin en marche), nous avons des précisions constantes sur notre position, et le temps à mettre pour atteindre un certain endroit, pourvu que la météo ne fasse pas des siennes, évidemment.Une légère brume est bientôt dissipée par le soleil. Mais, vers 13 h 30, la pluie se met à tomber. Soudain, venus d’on ne sait où, de minuscules roitelets dorés, viennent nous rendre visite. Ils se posent sur le cagnard (dodger) et sur la bôme. Deux juncos ardoisés et un autre oiseau non identifié s’amènent à leur tour. Arabesque doit leur sembler un bon havre par cette bruine glacée. Quelques roitelets se blottissent sous le capot de la grand-voile, tandis que le 3e entre à l’intérieur du cagnard et de la cloison en vinyle. J’essaie de maintenir le cap, pendant qu’un roitelet se perche sur ma tête, puis sur mon épaule. Paul vient le libérer, puis reprend la barre. L’oisillon revient sous le cagnard et se pose sur la main de Paul. Celui-ci referme sa main et l’oiseau s’y blottit. Au contact de cette chaleur humaine, il incline sa petite tête couronnée d’or et de rouge et s’endort… Paul est un vrai Saint François d’Assise! Après quelques minutes, le Capitaine remet sa liberté à l’oiseau, qui ne s’enfuit pas très loin – sur la bôme.

13 h 50 Mam’selle qui dormait à l’intérieur, découvre soudain la présence de cet volatile sur le pont, en regardant à travers l’écoutille du roof du carré. Elle saute sur le comptoir, sa queue fouette l’air et elle miaule en tremblant. Je dois fermer l’accès à la descente à l’aide du grillage et d’une planche ainsi que refermer le toit coulissant, car la chatte veut partir à la chasse! On ne peut permettre ça à bord, puisque on aime beaucoup les oiseaux. De plus, Mam’selle pourrait perdre pied sur le roof rendu glissant par la pluie et risquerait de tomber dans les eaux glacées du Lac Ontario. Elle doit donc se contenter de les «dévorer des yeux », la pauvre. 14 h 20  La pluie diminue d’intensité, mais nos passagers ailés clandestins demeureront avec nous jusqu’à notre entrée à Oswego, à 16 h 20.

Marina d’Oswego : 36,25 $US. Quais archi-étroits (18 po) et très hauts- d’environ 1m plus élevés que la ligne de sauvegarde, et en mauvais état. Je ne réussis pas à prendre pied sur ce quai, vu qu’il me faudrait y sauter à la verticale. Heureusement les voisins de quai, sur la vedette Tio ll, viennent prendre nos amarres. Ils nous invitent ensuite pour l’apéro, sur leur vedette de luxe (oui, le hasard des rencontre, pas vrai)? Ils se présentent : Pat et Fred Fields de Westvale, NY, près de Morristown, et leur invité Steve. Canapés au saumon fumé et vin blanc. On est assis à même une moquette où on dormirait sans même un oreiller, tellement c’est moëlleux, et devant une superbe cheminée au Propane. Décidément, nos rencontres vont nous donner un complexe, si on compare notre intérieur aux deux dernières embarcations rencontrées depuis notre départ du Canada. On se quitte vers 17 h 30, nous, pour aller à l’épicerie, et eux sans doute pour préparer leur dîner. Au marché « Price Chopper », peu d’aubaines. Cependant, on y trouve de la sole fraîche et du brocoli, mais pas de blocs de glace, essentiels pour notre glacière. On devra donc se contenter de gros sacs de glaçons à la marina. On se couche tôt, car demain on devra démâter à 8 h 30.

Nous aurons mis une semaine à nous rendre à Oswego. En réalité, ceci aurait dû s’accomplir en 2-3 jours au plus. Comme quoi Dame nature et l’avarie de moteur, en plus de notre départ tardif dans la saison, toujours à cause de réparations au moteur, nous ont bien retardés.