par Danielle Carrière-Paris en collaboration avec Jean Boisjoli

« La francophonie, c’est un vaste pays, sans frontières. C’est celui de la langue française. C’est le pays de l’intérieur. C’est le pays invisible, spirituel, mental moral qui est en chacun de vous. »

Gilles Vigneault

Jean Boisjoli, fier Franco-Manitobain, a grandi sur la rue Deschambault, à Saint-Boniface au Manitoba, tout près de la maison de la célèbre auteure Gabrielle Roy.

Bien qu’il reconnaisse n’avoir jamais appartenu à un seul endroit, puisque son parcours de vie l’a aussi mené à Montréal, Edmonton, et Toronto, ce « caméléon » avoue s’être senti chez-lui à chaque endroit où il s’est installé. Ces nombreux déménagements sont « le résultat d’une soif inépuisable de savoir, de sentir, de ressentir » et ils favorisent une ouverture sur le monde.

Son impressionnante feuille de route témoigne clairement de l’aisance avec laquelle il réussit, avec brio, à se réinventer, à se déraciner et à s’enraciner à nouveau, au fil du temps.

Parmi ses réalisations professionnelles, on note qu’il a été professeur, journaliste à la Société Radio-Canada et à la Canadian Broadcasting Corporation, ainsi qu’avocat au ministère fédéral de la Justice. Il a aussi été directeur de cabinet auprès du ministre chargé des Affaires constitutionnelles. Il s’est également engagé dans le domaine de la coopération internationale, notamment en Haïti.

Pendant sa carrière professionnelle, il a publié cinq recueils de poésie et d’autres textes littéraires au Canada et à l’étranger.

Puis, en 2017, Jean Boisjoli s’est vu décerner la plus haute distinction littéraire de l’Ontario. En effet, il recevait avec grande humilité, lors de la 30e édition du Prix Trillium, une prestigieuse reconnaissance pour son premier roman intitulé, La mesure du temps[1]. Ce roman s’est aussi classé dans la liste courte du Prix du livre d’Ottawa et du Prix du livre Le Droit.

Son récit, publié en avril 2016, s’inspire en partie de son vécu et les personnages principaux y croisent la petite rivière Seine, le lac Winnipeg, Gabrielle Roy, Louis Riel, un shérif acadien, la reine Elizabeth II, un jésuite bien particulier, et plus encore.

Vivre la francophonie littéraire au-delà des frontières canadiennes

L’auteur, qui se retrouve maintenant au rang des lauréats illustres des éditions précédentes du prix Trillium, tels que Margaret Atwood, Alice Munro et Daniel Poliquin, vient d’ajouter une corde à son arc.

En effet, Jean Boisjoli est le premier Canadien francophone hors Québec à être choisi et accueilli à la Maison Jules Roy, à Vézelay[2] en Bourgogne, en tant qu’écrivain en résidence d’écriture. Il s’est vu décerner cette résidence – ouverte à tous les écrivains de la francophonie mondiale – à la suite de la soumission d’un projet d’écriture.

La magnifique propriété, qui lui servit de nid pendant deux mois au cours de l’été 2018, a été léguée en 1999, par le romancier d’origine algérienne, Jules Roy, un proche d’Albert Camus. Le but était d’en faire une résidence d’écrivains venant de tous les horizons, ainsi qu’un lieu de culture et de souvenirs, accessible au plus grand nombre. Se trouve au rez-de-chaussée, un musée qui renferme les manuscrits, la bibliothèque et le cabinet laissé intact, de l’homme de lettre[3].

C’est ainsi que Jean s’est retrouvé dans le studio[4], à l’étage de cette splendide demeure, dont les fenêtres s’ouvrent sur un site enchanteur époustouflant. Elles laissent entrevoir les monts et vallées embrumés, les jardins en terrasses à faire rêver, l’impressionnante Basilique Sainte Marie-Madeleine et le Clos du couvent adjacent. Le spectaculaire lieu de culte constitue aussi la porte de la voie Limousine[5], qui conduit au sanctuaire de Saint-Jacques-de-Compostelle, au Nord de l’Espagne.

Dans ce petit coin du monde, où d’importantes pages de l’histoire[6] se sont tracées, Jean s’est intégré aisément et la sérénité ne tarda guère à s’installer. Il voua sa première semaine à la marche, une activité propice à la réflexion et à la découverte des lieux avoisinants, par exemple le village d’Asquins, où il s’est forgé des amitiés de qualité.

En dépit, ou peut-être en raison, d’un diagnostique de cancer reçu quelques semaines avant son départ, Jean vit pleinement le dépaysement et la solitude, appuyé par de longs et profonds moments de réflexion, indispensables l’atteinte de la sérénité. Cet état d’esprit trouvera écho dans la trame narrative d’un prochain roman.

En fait, le constat médical éveille les sens. Il lui permet de mieux cibler ses pensés qui, à prime abord, portaient surtout sur les grands thèmes mondiaux de l’identité, de l’appartenance et du territoire, sujets importants à tout Franco-Canadien. Jean se penche maintenant davantage sur la vulnérabilité, la vie et la mort, ou plus précisément, sur l’existence. Ainsi naissent d’importants segments d’un prochain ouvrage littéraire, notamment celui de son personnage principal, de sa motivation et de la fin de son récit. « Un récit plutôt camusien, qui demeure, avec Roth, un de mes maîtres littéraires », précise Jean.

Dans ces lieux, d’où est partie la deuxième Croisade en 1046, le réveil de Jean se faisait littéralement au chant du coq, soit vers 5 h du matin, dans une contrée où de superbes levers du soleil se dessinent à l’horizon. Après une séance de méditation, Jean se versait un premier café, puis s’installait devant ses cahiers. Ainsi commençait le travail quotidien de l’écrivain. Vers 6 h 55, les cloches de la basilique résonnaient, invitant les paroissiens, les pèlerins et les touristes aux laudes, le premier office religieux de la journée. Plusieurs fois par semaine, Jean se rendait à la basilique, située tout en face de sa résidence. De retour dans son studio, il reprenait son travail d’écriture pour quelques heures encore. Par après, il faisait de longues randonnées à pied, calepin et stylo dans son sac à dos : « C’est en marchant que je réfléchis le mieux, surtout dans les magnifiques paysages de Bourgogne », dit-il.

Jean y a vécu intensément, au quotidien, l’expérience de la réflexion profonde et de l’écriture créative. Puis, lors de soirées littéraires à Vézelay, mais aussi dans d’autres villes et villages du département de l’Yonne, il prenait plaisir à présenter son œuvre littéraire, dont les esquisses de son futur récit. Chaque fois, il se faisait un devoir d’expliquer que la culture francophone du Canada se vit bien au-delà de la province de Québec. Il prenait aussi part à des mini-concerts offerts par La Cité de la Voix, un établissement dédié principalement à l’art vocal. Inutile de dire qu’il en profita aussi pour savourer les délices gourmands régionaux. « On ne va pas en Bourgogne, sans profiter des terrines, fois fromages et foies gras! Mais malgré les croissants et pains au chocolat, je me suis délesté de 25 livres… sans doute en grande partie à cause de mes longues marches quotidiennes sur les chemins et sentiers pentus du Morvan », confie-t-il en souriant.

Jean Boisjoli se sent particulièrement privilégié d’avoir pu vivre cette expérience inoubliable. Il affirme : « Ici je m’enrichis, spirituellement et intellectuellement. Je souhaite écrire quelque chose qui soit, peut-être, à la hauteur de cette formidable expérience.[7] »

De retour à Ottawa, où il est fermement ancré depuis plusieurs années, Jean s’attarde maintenant à donner les dernières touches à un deuxième roman qui portera sur un jeune poqué de la vie, issu du chemin de Montréal à Vanier. L’auteur prévoit la publication de ce roman dès le printemps 2019 aux Éditions David d’Ottawa.

Puis, un troisième ouvrage, à saveur psychologique et spirituelle cette fois et fortement inspiré de ses réflexions dans les lieux pittoresques et apaisants de Vézelay, suivra… Ça promet.

Jean Boisjoli un retraité en action!

 

 

 

 

[1] Comptent parmi les autres reconnaissances qui lui ont été attribuées, la Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération, la Médaille du jubilé de diamant de la Reine Élizabeth II et le titre d’Officier de l’Ordre de Saint-Jean.

[2] On y compte approximativement 435 habitants.

[3] On dit de Jules Roy, qu’il était un « Témoin engagé de son siècle, il a été un des premiers intellectuels à dénoncer les abus commis pendant la guerre d’Algérie dans son ouvrage éponyme en 1960 » ; Maison Jules Roy, Programme, saison culturelle 2018. La Maison a accueilli, durant la saison 2017, cinq écrivains en résidence et cinq artistes en exposition et a organisé plusieurs manifestations culturelles qui ont eu lieu dans les salons ou les jardins de la Maison, ou bien à la salle gothique de Vézelay. https://www.yonne.fr/Culture-et-Vie-Locale/Sites-et-monuments/Maison-Jules-Roy-a-Vezelay

[4] Il comporte deux chambres à coucher, une cuisine, un poste de travail et une salle de bain.

[5] Les chemins de Compostelle correspondent à plusieurs itinéraires en Espagne et en France.

[6] Notamment, celles des croisades et de Richard Cœur de Lion. « En 1190, après avoir réuni les fonds nécessaires à l’expédition, un « trésor », Richard est fin prêt, comme prévu, pour aller rejoindre son rival Capétien à Vézelay. »   http://jeanmarieborghino.fr/croisades-richard-coeur-de-lion/

[7] Jean Boisjoli, un Canadien en résidence, L’Yonne républicaine, le 6 juillet 2018. https://www.lyonne.fr/vezelay/2018/07/06/jean-boisjoli-un-canadien-en-residence_12914585.html

https://www.retraiteenaction.ca/le-magazine/wp-content/uploads/sites/7/2018/08/Jean-Boisjoli-Vézelay-2018.pnghttps://www.retraiteenaction.ca/le-magazine/wp-content/uploads/sites/7/2018/08/Jean-Boisjoli-Vézelay-2018-300x300.pngDanielle Carrière-ParisLittérature
par Danielle Carrière-Paris en collaboration avec Jean Boisjoli « La francophonie, c’est un vaste pays, sans frontières. C’est celui de la langue française. C’est le pays de l’intérieur. C’est le pays invisible, spirituel, mental moral qui est en chacun de vous. » Gilles Vigneault Jean Boisjoli, fier Franco-Manitobain, a grandi sur la rue Deschambault,...