Le 6 octobre 1991 — Évasion : Chroniques de voyage à bord du voilier Arabesque

Prescott, ON – Alexandria Bay, NY

44º 42′ 5″        75º 34′

7 h 30 : Temps nuageux, vents modérés. Départ de notre port d’attache.

Le Grand voyage commence!

Fidèles à la tradition du Grand Voilier  Le Fantôme, sur lequel nous avons eu le plaisir de naviguer, et en guise de prière, nous commençons la journée (et il en sera ainsi à tous les jours), par l’audition de « Amazing Grace », version de Nana Mouskouri, avec la participation des cornemuses du Royal Scots Dragoon Guard. Puis nous sortons lentement du port…

8 h 45 : Hissons le foc, par vents de travers (sud-ouest) de 4 noeuds/h.

9 h 00 : C’est au tour du drapeau canadien d’être déployé. Malheureusement, manque de prévoyance de notre part et dans la fièvre des préparatifs, nous avions négligé de le vérifier. Nous devrons le remplacer aussitôt que possible avec un nouvel exemplaire, de 9 po x 18 po, selon l’étiquette marine, car le pavillon dont nous disposons est petit et dans un état lamentable.

9 h 10 : Réflexion du Capitaine : « As-tu expliqué à Monique (Soeurette), comment nous rejoindre à la radio VHF ?

_ Oui, pourquoi ?

_ Eh! Bien, ça m’étonne qu’elle n’ait pas essayé de nous parler ce matin! »

En effet, depuis environ une semaine, ma petite soeur avait pris l’heureuse habitude de nous téléphoner vers 7 h tous les matins. Elle n’y avait pas manqué non plus, le matin du 5 octobre, à la marina. D’où les propos de Paul.

10 h Les vents augmentent (de 15 à 20 noeuds), et donc, la hauteur des lames également. Le foc n’a aucun effet stabilisateur, non plus que sur notre allure. Donc on l’amène.

11 h 30 Vents de l’ouest soufflant maintenant à 25-30 noeuds, et on subit des vagues de

1 m. Ça tangue fort sur Arabesque. Finalement, vers 16 h, sous une pluie glaciale, accostons à Alexandria Bay., NY.

Alexandria Bay NY

Tentons de rapporter notre arrivée à la Douane américaine. Après 5 essais infructueux, dont un qui aboutit à Boston ? Je me fais COMMANDER, d’un ton péremptoire : « Go to Heart Island! You are the SAME person I spoke to, 20 minutes ago! Do you want to pay a $5,000.00 fine for NOT REPORTING? I told you, you CANNOT report over the phone! »

J’ai répondu que je n’aimais pas spécialement me faire terroriser par de telles menaces; que la météo était mauvaise et les vagues très fortes, mais sans aucun effet sur ce charmant exemple de douanier. Il a donc répété son commandement d’aller nous  rapporter à Heart Island. De plus il a fait le commentaire que d’où il était, le M*@/x*&£… douanier avait vue sur l’eau, et il n’y avait pas de problème à reprendre la mer…Sommes donc repartis vers Heart Island, à .5 mille d’Alexandria Bay. Mais, maintenant la houle est de 1,25 m, et le verglas s’est mis de la partie. Quel beau début de voyage en terre des É.U…

Debout à l’avant, je scrute les abords de l’îlot, qui abrite une réplique  (très laide d’ailleurs), des  ruines de vieux châteaux allemands- Boldt Castle. Impossible de découvrir de quai ou d’anse abordable. Faisons appel par VHF à la Garde côtière américaine, qui ne semble pas savoir mieux que nous la façon de nous y rendre. Heureusement, une âme charitable- hé oui, il y en a encore, interrompt notre conversation, en nous expliquant que le quai est du côté nord de l’île. On nous dirige vers le côté distal de l’île, où nous craignions manquer d’eau navigable, mais tout va bien. On y trouve en effet quais et douane. À l’arrivée, accueil charmant d’un douanier affable (il en existe donc, après tout) ? et dans la force de l’âge.

C’est peut être ça le secret de la gentillesse, chez ces gens. Ayant satisfait aux formalités, il nous donne même des conseils pour trouver une marina publique (gratuite en plus) à Alexandria Bay. On s’y rend et on met enfin pied à terre, après une journée épuisante et éprouvante. Il est 17 h 45.Nous décidons d’aller faire un « petit tour » sur la rue principale et entrons dans un bar, le“Ship’s Bar”. Accueil peu empressé malgré que nous soyons les seuls clients. Après un apéro, on retourne sans tarder à bord d’Arabesque. On frissonne en route, mais après un bon dîner chaud, on se met au lit, assez tôt, pour affronter à nouveau le Saint-Laurent, demain.